Colère

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Expression de colère chez une petite fille.

La colère est un état affectif violent et passager, résultant du sentiment d'une agression, d'un désagrément, une frustration, traduisant un vif mécontentement entraînant des manifestations physiques ou psychologiques par une personne. Ces manifestations peuvent être contrôlées.

Selon certains philosophes grecs, notamment Aristote, la colère peut faire souffrir celui qui l'exprime et peut être ainsi considérée comme une passion.

Étymologie et définitions[modifier | modifier le code]

Selon le Littré, le mot français « colère » est issu du latin « cholera  » signifiant, bile ou colère, lui même issu du grec χολέρα / kholéra, « choléra ». Colère est entré assez tard dans le vocabulaire de la langue française. Autrefois le mot habituel pour désigner la colère était « ire ». Le mot « chole » est apparu ensuite (du grec χολὴ / kholè, « bile »), et a été longtemps utilisé dans le sens d'emportement[1].

Selon le dictionnaire Larousse, le terme colère est défini comme un « état affectif violent et passager, résultant du sentiment d'une agression, d'un désagrément, traduisant un vif mécontentement et accompagné de réactions brutales »[2]. Selon le CNRTL, le mot colère est défini plus simplement comme une « vive émotion de l'âme se traduisant par une violente réaction physique et psychique »[3]. Le dictionnaire Littré présente la colère comme « un sentiment d'irritation contre ce qui nous blesse »[4]. Le nouveau dictionnaire de la langue française conçu et élaboré par le grammairien français Jean-Charles Laveaux, publié en 1828, présente la colère comme une « émotion de l'âme » et définit le terme comme un « accès de fureur » causé par une injure entraînant un désir de se venger[5].

Aspects médicaux[modifier | modifier le code]

État colérique.

Biologie[modifier | modifier le code]

La colère, à l'instar de toutes les émotions, n’est pas uniquement localisée dans le cerveau humain. Selon une étude publiée par le site EurekAlert!, publié par L’association américaine pour le progrès de la science (AAAS), « la colère provoque des changements profonds de l’état d’esprit des sujets par rapport à différents paramètres psychologiques – ils se sentaient plus irrités et leur état d’esprit était davantage négatif. »[6].

La colère provoque plusieurs modifications physiologiques et mentales préparant le corps au mouvement et à la réaction. Elle se traduit par une augmentation de l'activité cardio-respiratoire, une accélération du rythme cardiaque et un afflux de sang, notamment dans la partie supérieure du corps, ce qui peut colorer la peau. La respiration devient ample et rapide, ce qui cause notamment la hausse involontaire du volume sonore lors de l'expression de la parole. La colère provoque aussi une contraction involontaire du corps dans son ensemble et en particulier des mains, qui tendent alors à se fermer en poing, ainsi que du visage dont les sourcils se froncent, et les mâchoires se serrent, donnant une expression dure au visage. Les narines se dilatent pour s'adapter à un flux d'air plus important. Le sujet ressent un échauffement de la peau et le besoin d'agir. La colère, cependant, est le plus souvent de courte durée : ses signes s'effacent lorsque l'attention se centre sur un objet neutre et ses effets s'estompent.

Psychologie[modifier | modifier le code]

Description[modifier | modifier le code]

Selon l'enquête de la journaliste Christine Baudry, les études de psychologie ont démontré, et expérimentent chaque jour, les effets nocifs de la censure de la colère dite « colère rentrée », qui enferme l'individu dans des zones de non-dits et parasite la relation à soi-même et aux autres[7]. Il existe pourtant des expressions positives de la colère, qu'il est possible d'apprendre, de même qu'il est possible et souvent souhaitable d'accueillir la colère des autres[8]. Pour mémoire, « chez les Inuits, la colère s'exprime toujours en public, les deux adversaires s'insultent, s'injurient, jusqu'à ce que les rires des spectateurs et spectatrices de cette joute, où aucun coup n'est échangé mais où aucun mot n'est censuré, les départagent. »[9]

Si la colère est une forme d'expression licite d'indignation contre l'injustice, elle est parfois incontrôlable. Face à un mal subi, la personne en colère ne se contente pas alors de répondre par un mal équivalent, rétablissant une sorte d'ordre de droit égalitaire, mais rend facilement au centuple le mal qu'elle a subi. Pour Albert Camus, « la révolte est le refus d'une part de l'existence au nom d'une autre part qu'elle exalte. Plus cette exaltation est profonde, plus implacable est le refus. Ensuite, lorsque dans le vertige et la fureur, la révolte passe du tout ou rien, à la négation de tout être et de toute nature humaine, elle se renie à cet endroit ». La colère, lorsqu'elle est aveugle et dévastatrice, devient de la fureur et engendre de la peur.

Différents types de colère[modifier | modifier le code]

Selon Gonzague Masquelier, psychothérapeute didacticien et directeur de l’école parisienne de Gestalt, l'état de colère chez l'être humain peut se développer selon quatre modes différents[10]:

  • La « colère étouffée » : non déclarée, elle se manifeste chez une personne se définissant comme incapable de se mettre en colère.
  • La « colère rentrée » ou rétro-réfléchie : non exprimée, la personne enferme sa colère en elle.
  • La « colère réfléchie » : liée à une réflexion personnelle, elle est déviée par la personne sur un autre objet que celui qui est lié à sa colère.
  • La « colère hypertrophiée (fureur) » : exprimée dans l'excès et disproportionnée par rapport à sa raison, elle peut entraîner la personne à commettre des actes violents.

Colère et rage[modifier | modifier le code]

Au niveau de la médecine psychiatrique, la rage est l'état mental le plus extrême du spectre de la colère. Lorsqu'un patient est sujet à la rage, cela se termine lorsque la menace n'est plus oppressante ou que le patient atteint de rage est immobilisé. Des problèmes psychopathologiques tels que la dépression augmentent les chances et l'exposition à la rage[11],[12].

Aspects religieux[modifier | modifier le code]

Tradition chrétienne[modifier | modifier le code]

Dans la Tradition catholique, la colère fait partie des sept péchés capitaux, avec l'acédie (ou la paresse spirituelle), la gourmandise, l'orgueil, la luxure, l'avarice et l'envie.

Évagre le Pontique[modifier | modifier le code]

Évagre le Pontique (à gauche).

Évagre le Pontique est le premier à définir la colère comme un péché capital, c'est-à-dire source d'autres péchés. On lit par exemple, dans une formulation empruntée largement au stoïcisme (voir le commentaire de l'éditeur) : « La colère est une passion très prompte. On dit, en effet, qu'elle est un bouillonnement de la partie irascible et un mouvement contre celui qui a fait du tort ou paraît en avoir fait[13]. » Ce tort causé engendre d'abord une autre passion, la tristesse, d'où procède donc la colère. On lit ainsi : « Ne t'abandonne pas à la pensée de la colère, en combattant intérieurement celui qui t'a contristé, ni à celle de la fornication, en imaginant continuellement le plaisir. D'un côté, l'âme est obscurcie, de l'autre, elle est invitée à laisser s'embraser sa passion; dans les deux cas, l'intellect est souillé… comme un chien fait d'une jeune biche[14]. »

Mais de manière générale, comme on le voit aussi dans la tradition latine à la suite de Cassien[Lequel ?], la tristesse est placée après la colère : « La tristesse… provient des pensées de la colère; en effet, la colère est un désir de vengeance, et la vengeance non satisfaite produit la tristesse[15]. » La clef du succès contre cette passion est de mépriser aussi bien la gloire que l'infamie :

Il faut prendre soin des passions, et ainsi nous surmonterons facilement les pensées. Par exemple, contre la fornication (utiliser) épuisement du corps, jeûne, veille, retraite; contre la colère et la tristesse, mépriser la matière, la gloire et l'infamie[16].

Une seule colère est légitime : « Il n'y a pas de colère juste, sauf celle qui est dirigée contre les démons; les autres (colères) sont contre nature; car "pour ceux qui font preuve de toute douceur envers tous les hommes" (Tite 3, 2) se mettre en colère est contre nature. »[17]

Thomas d'Aquin[modifier | modifier le code]

Thomas d'Aquin est un philosophe scolastique, fondateur du thomisme. Dans le traité la Somme théologique, il a consacré trois questions à la colère : Partie 2a, Questions 46, 47 et 48.

Pour Thomas d'Aquin, « se mettre en colère est louable si l'on s'irrite selon la droite raison ». Il donne trois critères : un objet juste, une intention droite et une réaction mesurée[18].

Dans le catholicisme contemporain[modifier | modifier le code]

Pour Pascal Ide, la colère est la réaction face à ce qui est perçu comme un préjudice. Elle n'est pas à priori un péché mais peut le devenir si elle dépasse trois critères. Le premier est que son objet doit être conforme à la justice, le deuxième est l'intention qui doit être droite, le troisième est la réaction qui doit être mesurée, car si elle est violente elle devient déshumanisante[19].

La colère fait partie des péchés capitaux listés par le catéchisme de l'Église catholique au paragraphe 1866[20],[21].

Alain Richard distingue la « colère basse », un sentiment, et la « colère haute », dirigée vers l'action qui comporte par la violence un non-respect de la dignité d'autrui[21].

Dans le récit biblique[modifier | modifier le code]

La colère de Dieu est présente cinq fois plus souvent que celle des hommes dans le récit biblique. Elle peut être vue comme un symbole de force et de détermination divine. Elle est également un révélateur du péché du peuple. Elle est pédagogique, c'est-à-dire que le pardon lui suit[22].

La colère est présente dès le livre de la Genèse, par laquelle Caïn tue Abel. Le livre des Proverbes, l'Épître aux Colossiens ou le récit des Béatitudes condamnent la colère. Pourtant des colères justes sont décrites : Moïse face au Veau d'or, Jésus face aux marchands du Temple ou lors de la guérison de l'homme à la main paralysée[18].

Tradition bouddhiste[modifier | modifier le code]

Pour les bouddhistes, la « colère-aversion » fait partie des trois poisons de l'esprit, avec le désir-attachement, ou Trishna, et l'ignorance, ou Avidyā[23]. Le 14e dalaï-lama précise que la colère étant passagère, comme les autres défauts de l'esprit, elle n'est pas inhérente[24]. La colère est classée dans la catégorie des poisons mentaux ou émotions perturbatrices qui ne sont pas liés à des vues déformées ou croyances. Pour l'affaiblir, la méditation sur l'amour-tendresse en constitue un antidote contrecarrant. La colère a pour origine l'ignorance et l'intelligence confuse se fixant sur l’existence indépendante des phénomènes. Ainsi, pour éliminer la colère, la sagesse de la réalisation de l'absence d’ego en est l'antidote[25].

Mahakala à Dag Shang Kagyu.

Dans la tradition karma-kagyu, un rituel lié à Mahakala, « Éliminer la Colère par le Feu » (tibétain : སཌང་བ་རྣམ་སྲེག, Wylie : sDang ba rnam sreg) a été écrit par le 6e karmapa à la demande du 1er Gyaltsap Rinpoché[26].

Dans la pratique de la patience, confronté à la colère et l'agressivité dans la vie quotidienne, il est conseillé aux bouddhistes de s'efforcer ne pas répondre par la colère, en surmontant ses émotions[27], qui engendrent un karma négatif.

La voie du mahamoudra et du dzogchen expose la possibilité de transmuter les émotions comme la colère, sans l'exprimer ni la réprimer, en expérimentant son essence, la clarté dynamique de l'esprit, qui permet de réaliser la « clarté-vide »[28].

« Les dieux sont autocrates. Ils ont confisqué l'immortalité et la colère. Seul Dieu a le droit d'être en colère[9] » : c'est l' ire de Dieu, un flot d'ouragan, un souffle torride qui balaye tout sur son passage[réf. nécessaire].

« Un esclave, un domestique, un prisonnier, désormais un salarié, ne peuvent oser la colère, il en va pour eux de leur survie (physique ou professionnelle)". "Les ébauches de législation sur le harcèlement moral dans les entreprises viennent sans doute aucun de la disparition forcée et acceptée de l'expression de la colère sur les lieux de travail, de son caractère décrété tacitement impossible, impensable[9]. » Dans le milieu familial, à l'école, la situation n'est guère différente[réf. nécessaire].

Aspect philosophique[modifier | modifier le code]

Mythologie[modifier | modifier le code]

Dans la mythologie grecque, Lyssa qui personnifie la colère est engendrée par Ouranos et Gaïa, respectivement l'Air et la Terre-Mère, qui donnent en même temps naissance à la Terreur, l'Habileté et la Dissension. Elle était souvent apparentée aux Maniae, les déesses de la folie. Son équivalent romain était nommé Ira. L'auteur latin Hygin la présente comme une fille de Gaïa et d'Éther[29].

Toujours dans la mythologie grecque, Némésis (en grec ancien Νέμεσις / Némesis) personnifie la juste colère des dieux et elle est liée au châtiment céleste. Le substantif « némésis » est employé par antonomase pour désigner la colère ou la vengeance divine[30].

Aristote[modifier | modifier le code]

Aristote

Aristote (384 av. J.-C. – 322 av. J.-C.), qui a fondé l'école du Lycée et l'école des péripatéticiens, a consacré dans la Rhétorique un chapitre sur la colère : De ceux qui excitent la colère ; des gens en colère ; des motifs de colère.

Selon Aristote, toutes nos actions se rattachent nécessairement à sept causes diverses : le hasard, la contrainte, la nature, l'habitude, le calcul, la colère et le désir passionné. La colère, au même titre que le désir, est une passion (comme le sont aussi la pitié, la terreur, la haine, l'envie, l'émulation et la dispute). Le philosophe s'intéresse bien plus à l'état psychologique lié à la colère et c'est en dialecticien qu'il la définit ainsi « Admettons que la colère soit le désir douloureux de se venger publiquement d'un mépris publiquement manifesté à notre endroit, où à l'égard des nôtres, ce mépris n'étant pas justifié. »[31].

Sénèque[modifier | modifier le code]

Sénèque

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Sénèque (v. 4 av. J.-C. - 65 ap. J.-C.) est un philosophe stoïcien qui, comme tel, prône le contrôle des passions et l'appui de la raison contre les influences brutales des émotions. Son traité De la colère (De Ira) explicite sa position de stoïcien sur la passion de colère. Il la considère comme une folie temporaire, nuisible et dangereuse, commune aux femmes, aux hommes et aux enfants, qui au lieu de s'opposer au mal et à l'injustice, peut y pousser. En cela, elle n'est pas noble car elle ne pousse pas uniquement à la justice et n'est pas une émotion raisonnable et raisonnée. Parce qu'elle obscurcit le jugement et remplace la considération raisonnée, elle peut également mener à la peur ou à la cupidité et détourner l'homme de son but. De plus la colère n'est pas apaisée par la vérité et peut au contraire y trouver de nouveaux griefs.

Sénèque n'accorde de plus aucune valeur militaire à la colère où elle ne supplée pas au courage, mais fait au contraire remarquer que malgré leur férocité et leur furie, les troupes germaniques sont régulièrement défaites par l'armée romaine professionnelle et disciplinée. Il s'oppose à toute prise de décision sous son influence et déconseille d'accéder aux désirs des enfants qui s'emportent.

La peur est absente pendant la colère. L'hyperbole est un mode d'expression courante pendant une colère.

Contrairement à la volonté qui est le désir d'un bien accompagné de raison, la colère est irraisonnée. Elle est un désir de vengeance, secondaire à une marque de mépris, et, comme tout désir de vengeance, elle s'adresse toujours à quelqu'un en particulier : On n'agit jamais avec colère contre une personne sur qui l'on ne peut exercer sa vengeance. Le plaisir qui l'accompagne vient de l'espoir de cette vengeance.

Par mépris, il faut entendre le dédain, la vexation et l'outrage. Le mépris n'assigne aucune valeur à celui qui en est l'objet. La vexation consiste à obtenir que la volonté d'autrui ne s'accomplisse pas. L'outrage est de causer de la honte à quelqu'un, et d'y trouver de la jouissance, en se fondant dans la croyance qu'il y a un avantage sur celui qui est déshonoré.

On pense devoir être honoré, de ceux qui sont inférieurs dans un système hiérarchisé (richesse, rang de naissance, pouvoir…) ou de ceux dont on croit devoir attendre un bon office. Ainsi on ne peut ressentir une colère contre ceux qui peuvent nous être supérieurs ; dans ce cas, ou bien on n'agit pas avec colère, ou bien on le fait d'une manière moins énergique. La colère est le contraire du fait d'être calme. Le calme est un retour de l'âme à l'état normal et un apaisement de la colère[32].

Selon Sénèque, ce qui fait tomber la colère est l'acte de repentance, d'humiliation, ou le fait d'agir avec considération. On devient calme après avoir épuisé sa colère contre un autre. Ou lorsqu'une personne qui nous a fait du tort se trouve condamnée.

La colère a son origine dans ce qui nous touche personnellement, tandis que la haine est indépendante de ce qui se rattache à notre personne. La colère peut guérir avec le temps, pas la haine. La haine s'attaque plus à une classe de gens. La colère s'accompagne de peine, non la haine. La colère peut porter à la haine. La colère, comme l'inimitié, peut inspirer la crainte, par le pouvoir et la volonté qu'elle procure. Il y a de l'assurance dans le sentiment de la colère, du fait de l'impression de subir une injustice.

Baruch Spinoza[modifier | modifier le code]

Spinoza

Les doctrines de Baruch Spinoza, 1632-1677, font partie des courants du Rationalisme, du Panthéisme et de l'Eudémonisme. La philosophie classique des affects ou sentiments distingue la colère de la haine. En effet, Spinoza définit la haine (odium) comme une tristesse accompagnée de l'idée d'une cause, donc ce qui correspondrait à un mécontentement attribué à un objet précis tandis que la colère (ira) est définie comme l'effort de causer du mal à l'objet de notre haine[33]. « Mal », ici signifie tout ce que nous imaginons pouvoir diminuer notre puissance d'exister propre[34]. Spinoza rejoint en ce sens le stoïcien Cicéron qui définissait la colère comme « désir (libido) de punir celui qui semble nous avoir causé un dommage injustement »[35]. La colère serait alors la conséquence immédiate de la haine, elle-même causée par différents sentiments négatifs comme la sensation d'être menacé, une offense, une humiliation, etc. Et en tant que désir de faire subir un mal à ce qui nous en a fait subir auparavant, elle est à son tour cause de violence, de conflit, puis de haine et de colère en retour.

Spinoza oppose à la colère l' animositas, non pas l'animosité dans le sens de colère ou hostilité durable contre une personne, mais d'"ardeur, fermeté, courage". Avec la générosité, il fait de l'animositas une des deux vertus fondamentales ou forces de l'âme[36].

Pour lutter contre tout ce qui peut nous détruire, Spinoza oppose à la colère aveugle, le courage de l' animositas, «désir qui porte chacun de nous à faire effort pour conserver son être en vertu des seuls commandements de la raison[37]. »

Aspects judiciaires et politiques[modifier | modifier le code]

Études[modifier | modifier le code]

Le sentiment d'injustice peut entraîner une sensation de colère (Manifestants contestant une décision de justice devant le capitole de Saint-Paul aux États-Unis).

Pour Lytta Basset[38] l'injustice est un des mobiles de la colère et « une personne en colère est une personne qui n'a pas renoncé à la justice »[38]. La question de la justice ne se pose que dans le champ des relations interpersonnelles : la colère constitue un formidable contre-pouvoir face aux idéologies de toutes sortes. Elle est un potentiel de transformation inter-individuelle, à condition de ne pas "casser" la relation.

Tant que la recherche de la justice mobilise un individu, le processus de justification est sous-jacent. Mais cela nécessite qu'une relation soit encore possible, que le sujet en colère ne s'enferme pas à l'intérieur d'elle, et qu'un Autre puisse l'accueillir. Si ce n'est pas le cas, le sujet se met en danger. La tentation de l'auto-justification est grande, nourrissant le soupçon qu'autrui a besoin d'un coupable. La culpabilité et le sentiment de culpabilité s'entremêlent, pour le meilleur et pour le pire. Si ce n'est pas le cas, la frontière précise entre l'auto-accusation et l'accusation réelle est mince, quelle que soit la légitimité de la colère. Le processus de justification se transforme alors en hostilité et en inimitié et celui du bouc émissaire entre en scène.

Au niveau politique, selon Marie-Claire Caloz-Tschopp, professeur à Institut d'études politiques et internationales de Lausanne, la colère est une puissance vitale qui permet de s'indigner et de se défendre en interpellant l'adversaire, entraînant une certaine forme de courage, innovation politique et civilité [39].

Colères collectives[modifier | modifier le code]

Le mot « colère », inscrit sur une pancarte lors d'une manifestation du mouvement des Gilets jaunes en France en novembre 2018.
  • La grève qui se base sur le principe d'une action collective est liée à une colère de la part des personnes qui la mènent. La presse présente souvent cette action comme l'expression d'une colère de la part des salariés d'une entreprise, des agents d'une administration, voire des membres d'un secteur économique ou d'une catégorie professionnelle[40].
  • La manifestation publique, liée à un mouvement de masse (défilé organisé par des syndicats professionnels, voire par des associations et quelquefois de manière spontanée), est également associée à une colère. Dans certains cas, en marge de certaines manifestations, des scènes de violences urbaines, souvent qualifiées d'émeutes peuvent parfois avoir lieu, donnant ainsi à la colère exprimée un niveau très élevé, quelquefois assimilé à de la rage. Durant les manifestations de mai 68 certains groupes qualifiés de « radicaux » revendiquèrent le nom d'« enragés ».
  • L'insurrection est également une action collective liée à une révolte contre un pouvoir en place et pouvant conduire à des mouvements de violences engendrés par un état de colère extrême. Selon le philosophe Georges Didi-Huberman, « [...] le feu de la colère suscite un événement imprévisible, qui, entre fête et violence, entre allégresse et ressentiment, est toujours susceptible de bifurquer ou de se dévoyer, s’il n’est pas simplement écrasé ou canalisé par l’autorité contre laquelle il s’est dressé. »[41].

Dans les arts[modifier | modifier le code]

La colère. Détail des « Sept péchés capitaux » Jérôme Bosch 1475-1480.

Dans la peinture[modifier | modifier le code]

  • Les Sept Péchés capitaux et les Quatre Dernières Étapes humaines
Ce tableau, attribué à Jérôme Bosch, réalisé vers 1500 ou ultérieurement. Huile sur panneau, le tableau représente une série de scènes circulaires. Il est actuellement exposé au Museo del Prado à Madrid (Espagne) dont la une représentation de la colère, dans sa partie inférieure.
  • Colère de Dosso Dossi
Colère du peintre italien de l'École de Ferrare Dosso Dossi, datable d'environ 1514-1516, représentation symbolique de la colère, est conservé à la Fondation Cini à Venise.

Dans la littérature[modifier | modifier le code]

  • L'Iliade
Les premiers mots du chant I de l'Iliade d'Homère introduisent le récit fondateur comme un chant sur la colère d'Achille ("Mênin aiede, thea, Peleiadeo Achileos") :

« Chante, déesse, la colère d'Achille, fils de Pélée ; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d'âmes fières de héros, tandis que de ces héros mêmes elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel - pour l'achèvement du dessein de Zeus »

— Iliade, chant I, v. 1-5, trad. Paul Mazon, éd. Belles Lettres, 1937).

Si la colère contre Agamemnon conduit Achille à rester provisoirement en retrait de la bataille, elle a souvent pour fonction de pousser le héros à agir avec vigueur.
  • Les Raisins de la colère (titre original en anglais : The Grapes of Wrath)
Ce roman de John Steinbeck publié en 1939 évoque les aventures d'une famille pauvre de métayers, les Joad, contrainte de quitter l'Oklahoma à cause de la sécheresse, et de la grave crise économique qui frappe les États-Unis durant la Grande Dépression.

Au cinéma[modifier | modifier le code]

Le personnage de fiction Hulk représente une forme de colère violente au cinéma (personne portant un déguisement de Hulk).
  • Dans le cas du super-héros Hulk, la colère et le stress déclenchent même une transformation physique du scientifique Bruce Banner, qui devient un colosse à la peau verte doté d'une force prodigieuse.
Titres de films avec le mot colère

Dans la bande dessinée[modifier | modifier le code]

Plusieurs mangas contiennent des représentations symboliques de la colère :

  • dans Fullmetal Alchemist de Hiromu Arakawa, l'un des sept Homonculus représente la colère. Son nom est Wrath, qui signifie « Colère » en anglais ;
  • dans Judge de Yoshiki Tonogai, Ryuhei, le jeune homme au masque de cheval, représente la colère ;
  • dans Seven Deadly Sins (en français « Les sept péchés capitaux ») de Nakaba Suzuki, le personnage principal, Meliodas, représente le péché de la colère, symbolisé par un dragon tatoué sur son corps.

Dans la chanson[modifier | modifier le code]

  • La Rage est une chanson de la chanteuse française Keny Arkana dans l'album Entre ciment et belle étoile, distribué en 2006.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Site du Littré, étymologie du mot colère, consulté le 21 décembre 2018
  2. Site Larousse.fr, page sur la définition du mot colère, consultée le 01 décembre 2018
  3. Site du CNRTL, page sur la définition du mot colère, consultée le 02 décembre 2018
  4. site du dictionnaire Littré, page sur le mot colère, consulté le 02 décembre 2018
  5. Google livre "Nouveau dictionnaire de la langue française de Jean-Charles Laveaux", volume premier, consulté le 1er décembre 2018
  6. Google livre "Découvrir le Reiki par le Dr Sandrine Beudon, consulté le 2 décembre 2018
  7. site de Santé magazine, article "Apprenez à gérer votre colère", consulté le 1er décembre 2018
  8. "Le pouvoir créateur de la colère" d'Harriet Goldhor Lerner. Éditions du Jour
  9. a b et c Jean-Pierre Dufreigne Bref traité de la colère
  10. site psychologie.com, page "Exprimer sa colère", consultée le 1er décembre 2018
  11. Painuly et al., 2005
  12. (fr) « La rage », sur Redpsy (consulté le )
  13. Évagre le Pontique, Traité pratique, ch. 11 (Guillaumont, Sources chrétiennes, 171, p. 517-519
  14. Traité pratique, ch. 23 (Guillaumont, Sources chrétiennes, 171, p. 555
  15. Evagre, Huit esprits, ch. 11-12 (PG 79, col. 1156-1157)
  16. Chapitres des disciples d'Evagre, 62 (Géhin, Sources chrétiennes 514, p. 163).
  17. Chapitres des disciples d'Evagre, 137 (Géhin, Sources chrétiennes 514, p. 219)
  18. a et b Pascal Ide et Luc Adrian, « Les sept péchés capitaux : la colère », sur famillechretienne.fr, .
  19. Pascal Ide, « Quand la colère devient-elle péché ? », sur famillechretienne.fr, .
  20. « V. La prolifération du péché », sur vatican.va.
  21. a et b Clémence Houdaille, « La colère, péché capital ou juste indignation ? », sur la-croix.com, .
  22. Anne Soupa, « Les saintes colères de Yahveh », sur la-croix.com, .
  23. Bertrand Dumas, Philippe Cornu, https://books.google.fr/books?id=4MhgDwAAQBAJ&pg=PT90 La mort, un passage ?: Regards croisés bouddhistes et chrétiens], Editions du Cerf, 2018, (ISBN 2204126071), p. 90
  24. Tenzin Gyatso, L'Enseignement du Dalaï-Lama, p. 31
  25. 14e dalaï-lama (Avant-propos Sogyal Rinpoché), La Grande Paix de l'esprit, Éditions de La Table Ronde, 2008, (ISBN 2710329875), p. 96-97
  26. Rituel de Mahakala, première partie : introduction, initiation, transmission par la lecture.
  27. Kalou Rinpoché, La Voie du Bouddha, éditions du Seuil, 1993, , p. 341
  28. Kalou Rinpoché, op. cit., p. 327
  29. (en) Mary Grant, Mary (trans.) (1960). The Myths of Hyginus. pp. 815.
  30. Informations lexicographiques et étymologiques de « némésis » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  31. Site persée ouvrage "la colère chez Aristote" par Janine Fillion-Lahille, consulté le 02 décembre 2018
  32. site Bibliotheca Classica Selecta , page sur le livre de Sénèque "De la Colère, consultée le 02 décembre 2018
  33. l'Éthique III, scolie 2 de la proposition 40.
  34. cf. scolie de la prop. 39.
  35. Cicéron, Tusculanae, 4, 9, 21.
  36. Spinoza, Éthique, III, prop. 59, scolie.
  37. Spinoza, Éthique, IV, prop. 69.
  38. a et b Lytta Basset Sainte colère
  39. Google livre "Colère, courage, création politique: La colère, une passion politique ? de Marie-Claire Caloz-Tschopp, consulté le 1er décembre 2018
  40. Site du Journal du Dimanche, article "Première grève des enseignants contre Blanquer : les 6 raisons de la colère des syndicats", consultée le 2 décembre 2018
  41. Site du journal le monde diplomatique, article de Georges Didi-Huberman, "Du bon usage de l’insurrection - Où va donc la colère ?", publié en mai 2016
  42. Site bédéthèque, page sur les albums de la série "Colère noire", consulté le 14 décembre 2018

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Sénèque, De la colère (41), trad., Les Belles Lettres, 1922.
  • (en) Carol Tavris, Anger : The Misunderstood Emotion, , 386 p. (ISBN 0-671-67523-0)
  • La Colère. Transformer son énergie en sagesse, Pocket, , 224 p. (ISBN 2266126164)
  • (en) Scott Miller, « Anger and Military Veterans », Columbia Social Work Review, Columbia University Libraries and Columbia University School of Social Work., vol. IV,‎ , p. 7- 16 (lire en ligne)
  • (en) Patricia Potter-Effron, Ronald Potter-Effron, Letting Go of Anger: The Eleven Most Common Anger Styles and What to Do About Them, Oakland, New Harbinger Publications, , 200 p. (ISBN 978-1-57224-448-1)
  • Vincent De Gaulejac, Travail, les raisons de la colère, (ISBN 978-2-02-104861-2)
  • (en) James Averill, Anger and Aggression : An Essay on Emotion, (ISBN 978-1-4612-5745-5)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]