Carrière des Fusillés

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Carrière des Fusillés
Vue d'ensemble du site.
Présentation
Type
Commémore
Créateur
Inauguration
Propriétaire
Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé
Patrimonialité
Logo des sites naturels français Site classé (1993)
Logo monument historique Inscrit MH (2016, monument)
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La carrière des Fusillés est la sablière, située dans la commune de Châteaubriant, en Loire-Atlantique (à l'époque Loire-Inférieure), où vingt-sept prisonniers du camp de Choisel ont été fusillés par les nazis le en représailles à la mort de Karl Hotz, un lieutenant-colonel (Oberstleutnant) de l'armée de terre allemande.

Historique[modifier | modifier le code]

L'année 1941 marque un tournant dans l'action de la Résistance en France, notamment du fait de l'engagement officiel du Parti communiste à la suite de l'entrée en guerre de l'URSS[1].

Ce tournant se traduit notamment par une intensification des actions de sabotages et des attentats contre l'occupant allemand. Celui-ci réagit de plus en plus violemment, adoptant une stratégie d'exécutions massives en guise de représailles.

Le , un attentat cause ainsi la mort d'Alfons Moser, un aspirant de la Kriegsmarine, tué par Pierre Georges (dit « Colonel Fabien ») au métro Barbès - Rochechouart[2]. L'armée allemande décrète en conséquence que tous les Français arrêtés seront considérés comme otages et, qu'« en cas de nouvel acte, un nombre d'otages correspondant à la gravité de l'acte criminel commis sera fusillé »[3].

Le gouvernement de Vichy met en place des juridictions d’exception, les sections spéciales, pour juger les communistes. Le Commandement militaire allemand en France (Militärbefehlshaber in Frankreich) fait de son côté pression pour que ceux-ci soient condamnés à mort[4].

Motif de l’exécution des otages[modifier | modifier le code]

À l'automne 1941, des groupes armés communistes réalisent une série d'opérations à Bordeaux, Nantes et Rouen, dans le but de forcer l'armée allemande à maintenir des troupes sur l'ensemble du territoire[5]. Le matin du , le lieutenant-colonel Karl Hotz, Feldkommandant de Nantes[6], est ainsi abattu par Gilbert Brustlein, membre d'un commando de jeunes communistes parisiens de l'Organisation spéciale[2]. L'armée allemande réagit immédiatement : le général von Stülpnagel, commandant des troupes d’occupation en France, fait afficher que, « en expiation de ce crime », cinquante otages seront fusillés, ainsi que cinquante autres si les coupables ne sont pas arrêtés avant le à minuit[7].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Les vingt-sept fusillés de Châteaubriant, tous communistes ou proches du parti, sont étrangers à l'attentat de Nantes : la majeure partie des communistes ont été arrêtés à partir d’ après l’annonce de la conclusion du Pacte germano-soviétique, certains autres par la police de Vichy au cours de l’automne-hiver 1940-1941. C'est par exemple le cas de Guy Môquet, arrêté le par la police française[8],[9].

Le général von Stülpnagel choisit les noms des fusillés sur une liste de 61 détenus du camp d'internement de Choisel, sur la base d'une liste fournie par les services du ministre de l'Intérieur de Vichy, Pierre Pucheu ; 17 d'entre eux font partie des 27 fusillés du [10]. La liste de Pucheu rassemblait des détenus présentés comme « particulièrement dangereux »[11].

Le mercredi , jour de marché à Châteaubriant (il y a donc beaucoup de monde en ville) les otages, partis du camp de Choisel en camions, chantent La Marseillaise pendant tout le trajet[12]. Tous refusent d'avoir les yeux bandés[13]. Ils sont fusillés en trois groupes de neuf, à 15 h 55, 16 h et 16 h 10[14].

Liste des otages fusillés[modifier | modifier le code]

Pour chaque victime est érigée une stèle en sa mémoire.
  • Jules Auffret, 39 ans, ouvrier gazier, de Bondy, conseiller général communiste de la Seine.
  • Henri Barthélémy, 58 ans, de Thouars, retraité de la SNCF, militant communiste.
  • Titus Bartoli, 58 ans, de Digoin, instituteur honoraire, militant communiste.
  • Maximilien Bastard, 21 ans, de Nantes, chaudronnier, militant communiste.
  • Marc Bourhis, 44 ans, de Trégunc, instituteur, militant communiste trotskiste.
  • Émile David, 19 ans, de Nantes, mécanicien-dentiste, militant communiste.
  • Charles Delavacquerie, 19 ans, de Montreuil, imprimeur, militant communiste.
  • Maurice Gardette, 49 ans, de Paris, artisan tourneur, conseiller général communiste de la Seine.
  • Désiré Granet, 37 ans, de Vitry-sur-Seine, militant communiste et secrétaire général de la Fédération CGT des papiers et cartons.
  • Jean Grandel, 50 ans, employé des PTT, maire communiste de Gennevilliers, conseiller général communiste de la Seine, secrétaire de la Fédération postale de la CGT.
  • Pierre Guéguin, 45 ans, de Concarneau, professeur, maire communiste de Concarneau et conseiller général du Finistère, communiste critique : refuse d'accepter le pacte germano-soviétique et rompt avec le PCF, puis se rapproche des trotskistes.
  • Huỳnh Khương An[a],[15] dit « Luisne », 29 ans, de Paris, professeur, militant communiste.
  • Eugène Kérivel, 50 ans, de Basse-Indre, capitaine côtier (marin pêcheur), militant communiste.
  • Raymond Laforge, 43 ans, de Montargis, instituteur, militant communiste.
  • Claude Lalet, 21 ans, de Paris, étudiant, dirigeant des Jeunesses communistes.
  • Edmond Lefevre, 38 ans, d'Athis-Mons, métallurgiste, militant communiste.
  • Julien Le Panse, 34 ans, de Nantes, peintre en bâtiment, militant communiste.
  • Charles Michels, 38 ans, de Paris, ouvrier de la chaussure, député communiste de la Seine, secrétaire de la Fédération CGT des cuirs et peaux.
  • Guy Môquet, 17 ans, de Paris, lycéen, militant communiste, fils du député de la Seine Prosper Môquet déporté au bagne de Maison-Carrée.
  • Antoine Pesqué, 55 ans, d’Aubervilliers, docteur en médecine, militant communiste.
  • Jean Poulmarc'h, 31 ans, d'Ivry-sur-Seine, secrétaire général de la Fédération CGT des produits chimiques, militant communiste.
  • Henri Pourchasse, 34 ans, d'Ivry-sur-Seine, employé de préfecture, responsable de la Fédération CGT des cheminots, militant communiste.
  • Victor Renelle, 42 ans, de Paris, ingénieur-chimiste, militant communiste, créateur du syndicat des techniciens des industries chimiques.
  • Raymond Tellier, 53 ans, de Paris, ingénieur-chimiste, militant communiste.
  • Maurice Ténine, 34 ans, d’Antony, docteur en médecine, militant communiste.
  • Jean-Pierre Timbaud, 31 ans, de Paris, mouleur en bronze, secrétaire général de la Fédération CGT de la métallurgie, militant communiste.
  • Jules Vercruysse, 48 ans, de Paris, ouvrier du textile, secrétaire général de la Fédération CGT des textiles, militant communiste.

Commémorations[modifier | modifier le code]

Dès le dimanche ayant suivi les exécutions, des habitants de Châteaubriant sont venus se recueillir dans la carrière malgré l'interdiction faite par les autorités allemandes.

Mémorial[modifier | modifier le code]

Le premier monument de la carrière des fusillés fut construit par trois Castelbriantais, Joseph Marie Huffé, garagiste qui fit le fût metallique, Yves Trévedy, artiste peintre qui fit les listes et décors, et un maçon dont on a perdu le nom qui fit le socle. Dès le eurent lieu les premières commémorations[16].

Grâce à plusieurs souscriptions nationales et aux dons de ses adhérents, l'« Amicale de Châteaubriant Voves-Rouillé », regroupant d'anciens internés politiques des camps castelbriantais, put acquérir différents lots de terrain dit « Le champ de la Sabliére »[17] :

  • le , achat du champ (lieu d’exécution) ;
  • le , achat de la parcelle où fut édifié le monument des 27 otages ;
  • - , acquisition de parcelles complémentaires ;
  • , achat de la ferme.

Un monument situé sur le lieu-même de l'exécution, réalisé par le sculpteur Antoine Rohal, fut inauguré le [17].

Le , quarante-quatre ans après les premières démarches, le site fut classé[18]. Le monument de 1950 est inscrit au titre des monuments historiques par l'arrêté du [19].

Le , le site de la carrière, réaménagé avec un "parcours mémoriel repensé" est inauguré[20].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Originaire d'Indochine française.

Références[modifier | modifier le code]

  1. L’unification de la Résistance entre 1941 et 1943, site du Centre national de la documentation pédagogique.
  2. a et b Charles de Gaulle, paroles publiques – Réaction après les représailles allemandes suite aux attentats de la Résistance, 23 octobre 1941, site de l'Ina.
  3. B. Schatzman, Journal d'un interné : Compiègne, Drancy, Pithiviers, 12 décembre 1941 - 23 septembre 1942, éditions Le Manuscrit, 2005, p. 39.
  4. Été 1941 — durcissement de la répression, site du Mont-Valérien.
  5. Les fusillés de Chateaubriant - 22 octobre 1941, Secrétariat général pour l'administration, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives.
  6. (en) « Shooting of Dr Karl Holtz, Confirmation Given By Berlin », Barrier Miner, 21 octobre 1941.
  7. Affiche émanant du commandant militaire en France concernant les mesures de répression prises en réponse à des attentats commis contre l'armée allemande, , site du ministère de la Culture.
  8. Pierre-Louis Basse, Guy Môquet – Une enfance fusillée, Stock, (1re éd. 2000), 186 p. (ISBN 978-2-234-05271-0), p. 91.
  9. Henri Amouroux, « Les trois salves de Châteaubriant », Valeurs actuelles, 10 juillet 2007.
  10. Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Le sang des communistes : les bataillons de la jeunesse dans la lutte armée, automne 1941, Paris, Fayard, coll. « Nouvelles études contemporaines », , 415 p. (ISBN 2-213-61487-3, présentation en ligne), p. 585.
  11. 22 octobre 1941 - Exécution de 27 otages dont Guy Môquet, Hérodote
  12. Basse 2007, p. 168, 183-185.
  13. Basse 2007, p. 184.
  14. Basse 2007, p. 186.
  15. [PDF] « Huynh Khuong An », sur le site crdp.ac-creteil.fr, consulté le 29 janvier 2010 (archivé par wikiwix, 12 septembre 2013).
  16. « Monument à Châteaubriant - Les monuments aux morts », sur univ-lille.fr (consulté le ).
  17. a et b Le champ de la Sabliére, sur le site d'association des Amis du Musée de la Résistance de Châteaubriant.
  18. « Les monuments aux morts, monumentsmorts.univ-lille3.fr.
  19. « Monument aux fusillés », notice no PA44000059, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  20. L'Éclaireur de Châteaubriant, La 77e cérémonie de La Sablière à Châteaubriant se fera dans une carrière réaménagée, 19 octobre 2018

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Dominique Bloyet, Étienne Gasche, Nantes – Les 50 otages, Éditions CMD, coll. « Mémoire d'une ville », Montreuil-Bellay, 1999, 156 p.
  • Étienne Gasche, 50 Otages, mémoire sensible, éditions du Petit Véhicule, Nantes, 1991, 197 p. + XXII pages d'annexes.
    Cet ouvrage fournit de nombreux documents et étudie les problèmes posés par le déroulement de l'attentat de Nantes. L'auteur était professeur d'histoire-géographie à Nantes.
  • Fernand Grenier, Ceux de Chateaubriant, éditions sociales, 1961.
  • Les Fusillés de Chateaubriant, ministère de la Défense, coll. « Mémoire et Citoyenneté ».
  • Alfred Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, 1971.
  • Pierre-Louis Basse, Guy Môquet – Une enfance fusillée, Stock, (1re éd. 2000), 186 p. (ISBN 978-2-234-05271-0).
  • Camille Ledigarcher, Gaëlle Richardeau, Immortels ! Les 50 otages. Nantes et Châteaubriant , BD, éditeur : Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résis6en Loire-Inférieure, 2019

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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